Séance du 23 Nonus 2715

Le Belondor était intervenu voilà plusieurs mois pour empêcher Zollernois et Edoranais de se faire justice par eux-même en attaquant la Sorabe, que l'Empire considérait comme en état de sécession, c'est-à-dire comme faisant toujours partie du territoire belondaure, bien qu'ayant rompu ses liens avec la nation mère. En échange, l'Empire avait promis qu'il châtierait les Sorabes ; ceci lui permettrait par la même occasion de faire main basse sur cette île gênant les relations commerciales maritimes en mer Océane, et de récupérer une tête de pont en face de l'achipel nautien, infesté de pirates.

Sa Majesté avait donc convoqué un Conseil de Guerre pour déterminer selon quelles modalités l'armée impériale partirait à l'assaut de la Sorabe. Les grands dignitaires et les militaires qui y avaient été nommés par Sa Majesté l'Empereur étaient présents. Lorsque tout le monde fut entré, Sa Majesté impériale pénétra la dernière dans le salon Antonine I^er. Tous la saluèrent selon le protocole et elle invita les membres du Conseil à s'asseoir, une fois elle-même assise. Nabelnine II commença alors à parler :

- Excellences, messieurs. Nous vous avons convoqué afin que nous déterminions les conditions suivant lesquelles l'Empire va enfin reprendre le contrôle de l'île de Sorabe, actuellement sous l'autorité d'une bande de brigands maritimes. Il faut déterminer les troupes et navires que nous allons mobiliser pour l'occasion, la stratégie que nous utiliserons pour reconquérir cette île, le moment où débutera l'opération, mais également si nous souhaitons ou non faire appel à nos partenaires. De manière plus anecdotique, un nom de code devra être employé afin de garantir le secret de nos intentions. Nous vous écoutons.

Son regard se tourna d'abord vers le Connétable et Architrésorier de l'Empire.

L'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire, qui n'était pas directement concerné par les opérations militaires, se permit toutefois d'intervenir le premier, voyant Son Excellence Marksane rester muette.

" Majesté, Excellence, messieurs. Je me permets de rappeler que l'Île de Sorabe demeure un territoire de l'Empire, et cet argument a d'ailleurs permis de dénouer un conflit qui risquait de porter préjudice à la Triple-Alliance, édoranais et zollernois ayant oublié ce fait.
Je pense qu'il conviendrait d'intervenir en conséquence, comme s'il s'agissait d'une sécession du territoire métropolitain ou de l'Ardanie. "

L'Empereur comprenait où voulait en venir l'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire. En substance, il souhaitait rappeler qu'aux pires heures de la Guerre de Sécession, c'est seul, sans l'aide d'aucun voisin, d'aucun allié (mais l'Empire en avait-il encore à ce moment-là ?) et l'avait emporté, écrasant les rebelles, puis, lors de la Guerre de Germanie, annexant les quatre États germains. Dès lors, pourquoi faire appel à nos alliés quand l'Empire est puissant et qu'il n'y a qu'une petite île à affronter, sans véritable structure étatique, alors qu'il a pu vaincre trois États germains ligués contre lui de concert avec des sécessionnistes ou des révolutionnaires ?

- Vous ne souhaitez donc pas que nous fassions appel à nos alliés d'Edoran et du Zollernberg, Excellence ?

Les yeux mi-clos, visiblement songeur, l'Archichancelier de l'Empire céda simplement à la question de l'Empereur.

" Je ne pense pas que cela soit nécessaire, Majesté. "

- Bien. Nous pensions pareillement. Nous ferons part de nos intentions à nos alliés.

Se tournant vers le Connétable et Architrésorier de l'Empire, ainsi que vers l'amiral en chef de la marine Hubert de Voissieu et le maréchal Louison de Belvérine, chef d'état-major de l'armée de terre, il dit :

- Messieurs, il nous faut donc déterminer cette opération : nom de code, stratégie, navires et troupes mobilisées... Nous vous écoutons.

Le Connétable de l'Empire Charles Marksane fit un signe de la main signifiant à l'amiral de Voissieu et au maréchal de Belvérine qu'ils leur revenait de s'exprimer. L'amiral prit la parole le premier :

- Votre Majesté. Je pense, et l'ensemble de l'amirauté avec moi, qu'il ne faut pas prendre ces pirates sorabes à la légère. Ceux-ci ont certes une moins grande flotte que nous et moins puissante, mais ils ont pu obtenir l'aide ponctuelle des Crasselandais pendant un temps. De plus, ils sont habitués des attaques rapides, des rapines, des assauts par surprise. De fait, s'il ne fait guère de doute que nous reprendrons la Sorabe, nous devon nous montrer prudents et ne pas sous-estimer ces pirates qui, par nature, sont marins. Je préconise donc un déplacement en masse et la mobilisation de l'ensemble de la I^e flotte...

Certains tiquèrent autour de la table. Mobiliser 171 navires pour vaincre une petite île sécessionniste ? N'était-ce pas en faire trop ? Mais l'Empereur ne réagissant pas, l'amiral poursuivit :

- Le nom de code de l'opération sera « Ultime réunification ». La I^e flotte, que je commanderai en personne, partira à partir de la mi-Nabelnine, avec la XIV^e légion et la légion étrangère à son bord, direction la ville portuaire de Lusance. L'objectif est d'aboutir à la destruction totale ou presque totale de la flotte sorabe, le jour même de notre arrivée. En effet, pendant que les escadres de défense et de patrouille resteront en retrait à des fins de protection des navires de transports, les escadres de bataille, d'escorte et de frégates s'attacheront à détruite tout navire sorabe et toute défense côtière terrestre par le biais d'un bombardement nourri et massif. Cela fait 68 navires armés jusqu'aux dents... à mon avis, ils n'auront aucune chance.

Le maréchal Louison de Belvérine prit alors le relais :

- Cette première étape terminée, la flotte s'emploiera alors à sécuriser les côtes et à rattraper tout navire qui aurait pu s'échapper. À la tête des presque 30 000 hommes de la XIV^e légion et de la légion étrangère, je m'attacherai à l'éradication de toutes les forces terrestres ennemies, tout d'abord en prenant le contrôle des villes et en les sécurisant, ensuite en isolant les probables maquis qui auront pu se former, en les affamant et en leur en donnant l'assaut que lorsque nous sommes certains qu'ils sont à notre merci, de façon à limiter les pertes le plus possible. Je pense que tout ceci n'est l'affaire que d'un mois maximum.

Le plan de l'opération « Ultime réunification » venait d'être dévoilé et n'attendait plus qu'à être approuvé par l'Empereur.

L'Empereur, visiblement pressé d'en terminer quant à ce sujet se contenta de déclarer :

- Nous approuvons ce plan en tout point. Il vous revient, messieurs, de désormais le mettre en œuvre de façon à ce qu'il soit un total succès.

Puis, magistralement, il dit :

- La séance est levée.