Visite des mines de Veledris

Entre le Premier Congrès de l'Union des Modérés qui venait de se clore à Origodes et son départ pour le Séminaire portant sur l'avenir de l'économie en Belondor, HMDP s'était arrêté à Veledris, où il devait prendre son bateau pour rejoindre l'Ardanie.

Il avait eu connaissance d'un tragique incident dans une mine près du chef-lieu de la Préfecture et des revendications de la par des mineurs, emmenés par un jeune contre-maître visiblement fer de lance de leur lutte. Quittant son costume de Gouverneur de la Banque impériale pour celui de secrétaire de l'Union des Modérés, Henri-Maxime avait demandé à être conduit sur le lieu du drame et de pouvoir rencontrer le dénommé Auguste Villard, qui, disait-on, était allé jusqu'à avertir le Préfet Samuel Verrines d'Hersant de son souhait de faire grève.

Avec la récente ratification de la motion officielle du parti ainsi que des discussions qui avaient eu lieu en marge et qui se poursuivraient sûrement à Varsalance, cette rencontre pourrait être particulièrement intéressante aussi bien pour Henri-Maxime que pour Auguste Villard et sa cause.

Voila plusieurs jours que la grève avait commencé lorsque la rumeur vint de la Veledris qu’un membre influant de l’Union des modérés était en ville et cherchait Auguste Villard. Ce dernier ne se fit pas prier longtemps il se déplaça lui-même en ville pour rencontrer le Gouverneur de la Banque Impériale.

Lorsqu’il arriva à Veledris il n’eut pas à chercher trop longtemps l’important personnage. Il l’aborda à la sortie de la préfecture.

"Excellence, permettez-moi de me présenter, Auguste Villard. J’ai ouï dire que vous souhaiteriez me rencontrer."

Henri-Maxime ne s'attendait pas à rencontrer Auguste Villard à Veledris même. Après avoir quitté le Préfet qui lui avait accordé un entretien, voilà que celui qui causait tant de tourments à la politique locale se présentait à lui. Accusant l'effet de surprise avec un sourire chaleureux, le Gouverneur de la Banque impériale invita le contre-maître à monter dans sa voiture, le cocher ayant ouvert la porte.

" Monsieur Villard, je comptais justement rejoindre les houillères de votre entreprise. Voulez-vous bien vous joindre à moi le temps du trajet ? Nous pourrons discuter de façon plus confortable qu'en restant ici. "

Ôtant son chapeau haut de forme, il monta après Auguste. Une fois le fiacre parti, HMDP poursuivit avec entrain.

" Votre histoire à parcouru tout le Belondor en une traînée de poudre et il y a même eu un mot concernant vos camarades tombés la semaine derrière, au cours du Congrès de l'Union des Modérés en fin de semaine dernière. Le ton se voulait affable bien que le visage du Gouverneur soit des plus graves. J'ai décidé de venir en personne vous faire part des propositions de campagne de la part du parti que je représente et d'échanger avec vous afin de vous rappeler l'importance des élections à venir et de la nécessité de pouvoir compter sur votre soutien pour faire en sorte que les choses évoluent dans le bon sens.

J'ai cru comprendre que vous étiez à la tête de cette contestation ouvrière, vous serez par conséquent le mieux pourvu pour faire l'écho de notre rencontre de ce jour. Mais s'il-vous-plaît, parlez-moi de ces conditions de travail à l'origine de ce tragique accident et de la grève qui s'en est suivie ; j'ai déjà eu l'occasion d'entendre plusieurs sons de cloche et souhaiterais avoir le vôtre. "

Auguste était assis sur le strapontin de la voiture et écoutait se que lui disait le Gouverneur de la Banque Impériale.

Excellence, c’est exactement ce dont mes camarades et moi-même avions besoin. Le Belondor doit savoir dans quelles conditions misérables nous vivons, travaillons et mourrons.

Notre travail n’est que faiblement rémunérer et la compagnie ne nous aide pas. Dernièrement elle a décidé de supprimer bonnement et simplement le montant auquel nous avions droit pour le temps passé à boiser les galeries. Dès lors nous avons négligé cet aspect du travail afin d’extraire plus de charbon et nourrir nos familles. Les temps sont durs et c'est le seul moyen pour nous de vivre.

Il se tut un moment regardant le paysage, l’on se rapprochait des corons.

Mais tout ceci n’est que bien trop éloigné de votre vie Monsieur, dit-il en observant l’intérieur de la voiture.

Vous avez donc des propositions à nous faire, me disiez-vous.

Le Gouverneur impérial écouta, impassible, l'exposé d'Auguste Villard. Il ne broncha pas même lorsque ce dernier sous-entendit qu'Henri-Maxime ne connaissait pas la rudesse de la vie des mineurs. Il avait parfaitement raison puisque HMDP était issu de la noblesse de robe et n'avait jamais connu la disette et les dizaines d'heures à travailler la terre ou ses produits. Il se contentait de gérer, d'administrer, de contrôler sans pour autant connaître réellement la vie sur le terrain.

Appelez-moi Henri-Maxime. Je ne suis pas là en tant que Gouverneur de la Banque impériale mais comme membre de l'Union des modérés ainsi que comme concitoyen. Il fit fit tourner le pommeau de sa canne entre ses mains -- la pointe glissant entre ses chaussures -- et poursuivit. Avec la possible obligation de vous rémunérer 3 sesterces la journée de travail, votre employeur se verra contraint de revoir ses bénéfices et d'accepter la dépense. Vos conditions de travail sont extrêmement difficiles... pénibles même, et croyez bien que ceci n'est pas éloigné de ma vie.

Ce n'était pas un mensonge car effectivement, la pénibilité du travail, tant physique qu'intellectuelle ou morale se retrouvait chez quiconque aujourd'hui. Henri-Maxime n'avait que peu de moments à lui, devant sans cesse prendre des décisions sur des sujets parfois diamétralement opposés.

Les propositions ne sont pas les miennes, ce sont les nôtres, dit-il en tirant de la poche intérieure de sa veste un programme de l'Union des modérés. Tenez, vous y lirez ce que nous défendons pour les ouvriers, les agriculteurs, les artisans.

Outre la réduction du temps de travail quotidien et l'augmentation des salaires, nous réclamons le droit de coalition, celui à des congés payés par votre entreprise ainsi que la possibilité de constituer des sociétés à capital variable qui appartiendraient aux travailleurs et non pas à quelques personnes fortunées.

Le coche arriva enfin au niveau de la mine et s'arrêta peu après l'entrée.

Pensez-vous que vos camarades seraient intéressés par ceci ?

Bien sur, mes camarades seront très ouvert à ces propositions. Vous savez, nous ne voulons rien d'autre que reprendre le travail, nous ne faisons pas la grève de gaité de cœur, mais il y a des injustices dont seul les coups d'éclats triomphent. Nous demandons simplement d'avoir une meilleure rémunération pour vivre. Dès lors, si nous pouvons arriver, ensemble, à faire avancer la cause sociale ici et dans tout l'Empire je vous suivrais et ils me suivront.

Il n'attendit pas que le cocher ouvrent la porte, il la poussa et invita son interlocuteur à descendre. En même temps qu'il sortait à son tour de la voiture, il jeta un regard sur le programme de l'Union des modérés.

Il est vrai que ce programme est intéressant pour les travailleurs, bien que certain point soit par trop "modéré".

Il s'avancèrent vers les installations minières.

Alors, concrètement qu'attendez vous de nous ?

Trop modéré ? Henri-Maxime cacha à grand peine un sourire amusé derrière sa moustache tout en descendant du coche, son chapeau vissé sur la tête. Dire que certains membres du parti trouvait déjà que le programme était dangereusement social et bien trop orienté pour être modéré. Finalement, les points de vue pouvaient changer du tout au tout après quelques centaines de kilomètres de voyage.

Mon souhait, Auguste, est que vous repreniez le travail avec vos camarades dans les meilleurs délais, après avoir reçu l'assurance de votre employeur que vous serez traités convenablement.

Tout en marchant vers les corons, HDMP lança son va-tout.

Ce que je souhaiterais c'est que vos camarades défendent ce programme et se souviennent qu'ils seront appelés à voter les 6 et 7 Antonine. Sans leur soutien à Veledris, nous laissons la place grande ouverte à des partis conservateurs et liberticides qui vont chercher à durcir un peu plus vos conditions de travail et vont rendre la situation de vos familles plus difficiles.
Mais je suppose que je n'arriverai pas à convaincre tous les mineurs ni tous les ouvriers de la Préfecture. Peut-être qu'un homme plus proche d'eux, qui les a conduits jusqu'à Veledris pour y faire déclarer leur grève serait plus écouté ? Il s'arrêta un instant et fixa droit dans les yeux le contremaître. J'aimerais que vous représentiez l'Union des modérés pour ces élections et que vous rejoigniez le Palais Marmont une fois la victoire acquise.

Une lueur d'espoir apparut dans les yeux d'Auguste.

Je vous saurais reconnaissant si vous pouviez nous aider pour cela Henri-Maxime. Votre influence risque d'y jouer un grand rôle, mais je ne vous force pas, vous ferez ce qui vous semblera le meilleure.

Puis regardant les mineurs qui étaient réunis sur la place principale des Corons, il répondit à Henri-Maxime de Porhoët

Je serez très honoré de représenter mes camarades et la population de cette province. Toutefois, ne pensez-vous pas que cela poserait un problème. Un ouvrier devenant sénateur, se serait une première, mon employeur risque de me sanctionner et sanctionner mes camarades non ?

Après un instant de réflexion il donna sa réponse.

De toute manière, j'accepte votre proposition. Je saurais me montrer digne de la confiance que vous m'accordez.

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