Henri-Maxime de Porhoët, l'homme aux multiples visages

Henri-Maxime de Porhoët était revenu dans la Préfecture de Veledris pour les deux derniers jours de campagne. Il était arrivé en fin d’après-midi d’après-midi à Hams-Berg, ancienne capitale de la Térèce, où il avait reçu un immense accueil. Il fallait dire qu’il avait longuement préparé sa venue dans l’ancien fief républicain et qu’il savait qu’il devrait réussir à agir avec habileté pour plaire à cet électoral qui avait combattu tant Nabelnine Ier que Nabelnine II. La Térèce était une terre aux mœurs étranges. Mais en tant que Comte de Mavelles, dont les terres se trouvaient entre Hams-Berg et Rex Civit, Henri-Maxime avait appris à se jouer des pièges lancés par ces esprits belliqueux et sans cesse contestataires. Il aimait particulièrement y livrer bataille puisqu’il savait que ces gens étaient fidèles aux idées qu’ils défendaient mais qu’ils savaient parfois admettre leurs erreurs passées et prendre la bonne voie.

Les idées modérées avaient plu. La défense de la religion, les avancées sociales et politiques, cela plaisait aux habitants de Hams-Berg et de sa province, L’idée impérialiste était rejetée avec force et dès lors, les propositions insufflant plus de démocratie et de liberté faisaient la part belle à l’Union des Modérés. HMDP n’avait pas eu à aller bien loin pour faire un discours plein de conviction ; il avait choisir l’opéra de la ville, joyaux architectural.

Il avait pris la parole devant plus de deux mille personnes. Il avait attaqué immédiatement le Parti impérial en le taxant de parti liberticide et arriéré puis avait effrité le socle conservateur en rappelant que ce parti, militariste de la première heure, n’osait admettre aucune autre opinion que la sienne et que la matraque était pour elle le meilleur moyen de ramener l’ordre. Après tout, n’était-ce pas un militaire qui en était à sa tête ? Comment ce parti pouvait-il défendre le progrès alors qu’il était basé sur des codes vieux de plusieurs siècles et qui défendait ouvertement la tradition ? Hams-Berg avait finalement le choix entre défendre un parti qui voulait avancer, un parti rétrograde et un parti archaïque.

Plaçant son discours sur le terrain des faits tout en conservant une pointe d’humour, Henri-Maxime était parvenu à propager ses idées parmi les gens venus l’écouter. Il rappela à tous ceux qui lui faisaient face qu’il était de la région, qu’il savait tout de son histoire et que contrairement à bon nombre de candidats conservateurs et impérialistes, il saurait les défendre au Palais Marmont.
Après plus de deux heures, il quitta la ville pour le Comté de Mavelles mais surtout pour Rex Civit.

Sa voiture regagnait Rex Civit, sa ville natale, à une allure folle. Les chevaux avaient été changés à Hams-Berg et voilà qu’ils galopaient sur les routes nouvellement pavées. Henri-Maxime avait mis de côté le confort du voyage pour la rapidité, ne voulant pas rater l’occasion d’un nouveau discours et d’une soirée là où il avait grandi. Depuis la mort de son père, il avait hérité du titre de Comte de Mavelles, terres situées à quelques kilomètres seulement de la cité, et par la même il bénéficiait aujourd’hui d’une stature respectée dans cet ancien fief royaliste que Nabelnine II avait eu tant de mal à libérer pendant les Guerres de Sécession et d’Occident. Tellement fier de sa victoire, l’Empereur avait même passé l’hiver dans la ville, montrant aux habitants qui était le vainqueur.

Dès lors, le Gouverneur de la Banque impériale représentait à la fois l’Ancien Régime mais aussi l’Empire. Il avait souhaité intervenir devant la population sur la place du marché, vidée de ses étals et nombre de badauds s’étaient amassés autour de sa voiture. Il était monté à la place du cocher, et avait livré là un discours personnel, n’hésitant pas à parler de lui comme l’enfant du pays, fils du Président André-Louis de Porhoët et par la même son successeur ! À l’inverse du discours prononcé quelques heures plus tôt, il s’était ouvertement affiché comme traditionnaliste et comme défenseur de la morale syiste.

S’il avait gardé rangée la profession de foi rédigée le matin lors de son intervention à Hams-Berg, il n’avait pas hésité à en faire la lecture devant son parterre d’inconnus-électeurs, il utilisait d’ailleurs sa canne comme d’un outil de représentation la faisant voltiger autour de lui. Oui, l’Union des modérés était ouvertement contre le socialisme et le républicanisme ; oui l’Union des modérés défendait l’Église syiste Occidentale ; oui l’Union des modérés serait le premier parti du pays.

La foule, visiblement satisfaite de sa prestation et voyant là le retour d’un enfant de la Terreforeste, savait désormais pour qui voter.

Henri-Maxime resta quelques dizaines de minutes à discuter et échanger avec des connaissances à lui tout en les appelant à diffuser son message auprès de leurs connaissances. La Préfecture de Veledris, en servant la cause de l’Union des modérés trouverait le compromis dont elle avait besoin politiquement pour ne pas se déchirer.

Le soir même, il avait organisé un repas avec de très influençables aristocrates d’Ancien Régime, qu’ils soient de robe ou d’épée et leur avait rappelé que la cause les services rendus par feu son père à de nombreuses reprises. Il était question d’honneur désormais et plus de politique. Leur devoir serait d’aider Henri-Maxime au travers de l’Union des modérés à accéder au Palais Marmont et dès lors, ce serait à son tour de leur rendre la pareille.

La nuit était déjà fortement avancée lorsqu’il alla se coucher. Il avait ordonné à son servant d’être réveillé à six heures -- soit trois heures plus tard -- et que sa voiture soit prête à sept. Il devait livrer son message à Brostilon, terre délaissée par les candidats aux élections.

» Henri-Maxime de Porhoët